
C’était jour de diplôme, et tout était prévu. La date, l’heure, le nombre de minutes accordées à chaque candidat. Le jury était prêt à affronter trois jours d’évaluations frénétiques. Emilie Marchand était la dernière au programme. À l’heure dite, on alla à sa rencontre. À l’arrivée du comité, vêtue de son typique manteau rouge, l’impertinente se trouvait de dos et ne daigna pas bouger d’un poil. Cinq chaises ainsi qu’un haut-parleur placés derrière elle invitait les membres du jury à s’asseoir et écouter. Écouter cette voix (la sienne) qui défilait. Le tableau était étrange. On aurait presque dit qu’elle s’était dédoublée. La voix amorça sa tirade, animant joyeusement les lieux et faisant, par moments, quelques jeux d’esprit qui firent rire l’auditoire. Cinq… dix… quinze minutes s’écoulèrent ainsi. Puis un téléphone sonna au moment le moins opportun. Fatalité! Mais fallait-il s’en étonner ? D’un geste précis Emilie saisit l’appareil qui se trouvait dans sa poche, se retourna et répondit: «Bonjour…». Le jury comprit alors qu’il ne s’agissait pas de la véritable intéressée. Le double poursuivit en répétant ce qu’on lui dictait au bout du fil: «(…) S’absenter c’est un jeu, fait de mises en scène, de secrets et de petites manigances. C’est un théâtre des illusions, en somme! (…) ». Trecy Alfonso, la complice, retira sa perruque et rappela que les vingt minutes prévues à l’exercice étaient désormais écoulées. Le jury repartit. Emilie Marchand n’apparut jamais ce jour-là, mais quelques minutes après les évènements tous les membres du comité d’évaluation reçurent ce message sur leur téléphone portable: « S’absenter a été réalisé grâce et malgré les ondes embrouillées entre le Danemark et la France.»