Les souvenirs aussi voyagent. Les miens oscillent entre Marseille, Alexandrie et Montréal. Moments gigognes. Disséminer sur la voie publique…
C’était tout juste un an après les soulèvements du Printemps Arabe: des tracts politiques mêlés aux billets de tramway compostés à demi déchirés, aux sachets de chips évidés et autres friandises consommées à la va-vite, sans oublier les mille-mille portraits du général Sissi… tous, portés par le vent. Les rues d’Alexandrie telles que je m’en souviens. Brouillonnes et en vrac. Comme mes souvenirs, d’ailleurs.

Extrait d’un des textes:
« Montréal en février. Temps gris. Tempête.
Tu t’habilles.
Cinq couches de pulls pour affronter le jour. Hiberner n’est pas à la mode. Pantalon de ski : noir. Manteau feutré : noir. Écharpe de deux mètres : noire. Bottes doublées : noires. Bonnet à pompon : bleu lavande.
Calfeutrée de pied en cap. Tu sors.
La rue Jean-Talon a des allures d’ère de glace. Tu avances. Tu recules. Tu recules plus que tu n’avances. Péniblement. Combattant la mêlée des vents. Neige violemment poudreuse. Qui pique-et-pique le visage. Et crac! Craquent les joues. Tu remontes l’écharpe. Bédouine nordique. Tu n’as plus que les yeux à présent pour affronter la ville.
Flash-back dans les rues d’Alexandrie où L. t’a dit que tu serais beaucoup plus tranquille si tu portais le voile.
Frisson(s). »